De héros en zéro : 5 étapes pour faire faillite avec panache
#3 Spooky story d'Halloween : le déclin des entreprises prospères
Bien le bonjour 👋
Je suis ravie de vous accueillir dans cette édition #3 des Mondes de Demain.
Bienvenue aux 43 petits nouveaux qui nous ont rejoints depuis la précédente édition !
À quelques heures d’Halloween, une histoire d’horreur pour entreprise : comment faire faillite après avoir été n°1 sur son marché, en cinq étapes.
Si vous êtes arrivé par hasard sur ce contenu, vous pouvez vous abonner pour ne pas rater les prochains ou consulter les éditions précédentes ⬇️
Temps de lecture : 4 minutes
On ne se connaît pas encore ?
Je m’appelle Pauline Alessandra et après 8 ans entre grand groupe et start-up, je suis devenue consultante indépendante en transformation. J’accompagne les entreprises dans les phases critiques de leur existence (restructuration, scaling) et facilite les projets de transformation et d’innovation par l’intelligence collective. Je suis également doctorante en management.
Au programme : le tuto pour devenir un géant aux pieds d’argile
Ayez le melon
Diversifiez-vous n’importe comment
Méprisez vos concurrents
Gesticulez en paniquant
Disparaissez (ou soyez has been)
Let’s go ⬇️
Tout ce que je m’apprête à vous raconter ne sort pas de ma petite caboche, mais a été théorisé par Jim Collins, un consultant, auteur et ancien intervenant à l’Université de Stanford. Collins a défini, dans son livre traduit dans 40 langues How the mighty fall, les cinq étapes du déclin des entreprises prospères.
J’ai peut-être fait un peu de storytelling dans ce qui va suivre, mais les étapes mentionnées sont les vraies. Évidemment, et blague à part, ces étapes ne sont pas exhaustives et tous les échecs ne s’expliquent pas forcément ainsi. Comme dit l’adage : “all models are wrong ; some models are useful.” En gros, vous pouvez aussi faire faillite de 1000 autres manières.
Étape 1 : ayez le melon
La première étape est l’excès de confiance. Ah, l’ego ! On savait le “moi haïssable” depuis Pascal, mais on ne le savait pas capable de mettre à terre une entreprise. C’est que les entrepreneurs qui connaissent le succès finissent souvent par oublier l’origine de leur réussite. C’est ce que Collins appelle le “mépris arrogant”. Cela se traduit ainsi :
Un soupçon d’arrogance : vous pensez avoir mérité ce succès (plutôt que de l’avoir conquis). De fait, vous imaginez que ce succès tiendra tout seul, peu importe ce que vous faites.
Une pincée de négligence de l’activité principale : par ennui ou volonté de retrouver de l’excitation, vous mettez un peu de côté votre activité ou produit principal. Vous ne traitez donc plus avec autant de soin votre source principale de revenus.
Un filet de mépris de l’amélioration continue : sûr d’eux-mêmes et de leur produit, vos salariés cessent de se poser des questions sur l’amélioration possible de votre produit. Après tout, vous êtes les meilleurs ! (pensez-vous donc…)
Étape 2 : diversifiez-vous n’importe comment
Pour une entreprise qui s’en sort bien, le problème est de résister à la tentation de vérifier si l’herbe n’est pas plus verte sur un autre segment. C’est l’étape dite de la quête du “toujours plus”. J’adore ce que Collins note :
“Pourquoi pointons-nous du doigt la complaisance et le manque d’innovation comme motif dominant du déclin des entreprises, alors que les preuves montrent le contraire ?”
Réponse : cela renvoie au mythe de l’entrepreneur dont je parlais dans mon édition précédente.
Parmi les comportements observés dans les entreprises en déclin : la recherche non durable de croissance, une dispersion dans des activités hors du domaine de compétences de l’entreprise, une faible proportion de bonnes personnes aux postes clés, un manque de discipline sur les coûts, la progression de la bureaucratie, des successions problématiques aux postes de direction et des intérêts personnels préférés aux intérêts de l’entreprise. Ça fait déjà pas mal.
Étape 3 : méprisez vos concurrents
Collins appelle la troisième étape : “le déni du risque”. Ce déni n’est pas un hasard : s’il existe des signaux externes alarmants (par exemple, sur la montée en puissance d’un concurrent), les résultats restent suffisamment forts pour que ces données soient purement… ignorées.

Cela repose sur différents mécanismes qui permettent de ne pas voir la réalité du risque en face :
Amplifier les résultats positifs et étouffer le négatif
Faire des paris ambitieux qui ne sont pas basés sur l’expérience accumulée, ou qui ne résistent pas aux faits
L’érosion des équipes saines, avec un déclin de la qualité du débat
Trouver des excuses à l’extérieur, plutôt que de prendre ses responsabilités
Des réorganisations récurrentes, trop récurrentes
À ce stade, vous êtes sur une pente (très) glissante.
Étape 4 : gesticulez en paniquant
Maintenant, il y a enfin le feu au lac 🔥
C’est l’étape dite de “la lutte désespérée pour le salut”, à savoir le moment où l’entreprise fait ses premiers grands mouvements : des acquisitions majeures, des plans de transformation sévères et réguliers… Bref, parfois, beaucoup de gesticulations paniquées.
Vient ensuite le leader sauveur, généralement nommé par le conseil d’administration, pour venir, tel un messie, sauver tout le monde. En parallèle, c’est un peu la panique et salariés et dirigeants adoptent généralement des comportements précipités, très réactifs.
Commencent alors les grands discours annonçant une ère nouvelle, un monde nouveau, avec une nouvelle stratégie. C’est la folie des buzzwords, on cherche à “motiver”, on promet des lendemains qui chantent. Beaucoup de hype et des résultats incertains.
Ces étapes créent de la confusion autant que de la frustration. S’il y a des effets positifs, hélas, ils ne durent pas. Les salariés commencent à être cyniques et les multiples restructurations érodent la santé financière de l’entreprise.
Honnêtement, à ce stade, votre faillite est en très bonne voie.
Étape 5 : disparaissez (ou soyez has been)
Cette étape est cruelle : les salariés ont le moral dans les chaussettes et la santé financière de l’entreprise a une maladie chronique.
Deux scénarios sont alors possibles :
La mort (désolée) : l’entreprise disparaît purement et simplement, soit par faillite, soit par rachat.
L’insignifiance : c’est dire poliment que vous devenez super has been. Quand on pense à vous, on a des souvenirs pleins de tendresses (au mieux) ou on rit (au pire).
Voilà, vous avez disparu ! Et si j’en plaisante, c’est, dans les faits, toujours socialement dramatique.

Mais les entreprises arrivées en soins critiques (stade 4) sont-elles destinées à finir en soins palliatifs (stade 5) ?
Bonne nouvelle pour vous remonter le moral : la réponse est non !
Disney, IBM, Nokia sont de bons exemples d’entreprises qui ont réussi à renaître de leurs cendres. Le passage de chaque étape n’est donc pas un chemin sans retour.
Ce sera le sujet de ma newsletter dans 15 jours.
L’espoir est donc permis !
Je vous dis à bientôt,
Pauline
PS : on n’oublie pas de faire battre le petit cœur juste tout en bas de cet e-mail, de laisser un commentaire ou de répondre si ça vous a plu ❤️
Pour aller plus loin :
Le livre de Jim Collis, How the Mighty Fall, qui a servi à écrire cette édition. Version anglaise car la version en français est difficilement trouvable à un prix décent.
Un article passionnant de Philonomist sur “le sauveur d’Air France” venu de l’étranger (ou pourquoi avoir un étranger comme bouc émissaire en cas d’échec, c’est pratique).
Un article de Philippe Silberzahn sur le lien entre déclin et médiocrité.
La subtile référence de millennial de mon titre. Je plaide non-coupable si ça vous reste dans la tête.
Jouer au snake par nostalgie de votre Nokia 3310. Attention, forte chute de votre productivité à anticiper dans les 10 prochaines minutes après avoir cliqué sur ce lien.
En lisant ton article je pensais à plusieurs exemples: l’uap (avec son slogan arrogant “numéro 1 oblige”, Kodak …
Encore une fois : 👏👏👏
Concis, intelligent, drôle, profond et léger (attention, oxymore !), merci de nous mettre les neurones en mouvement des potron-minet !