Bonjour,
Nous sommes à l’édition #59 d’Aligné, bienvenue aux 13 petits nouveaux qui nous ont rejoints depuis la fois précédente.
Deux choses m’ont marquée cette dernière semaine : le film Life of Chuck, adapté du roman de Stephen King, actuellement au cinéma (de toute beauté) et la lecture de L’ami de la famille, de Denis Podalydès, sur sa vie de jeune homme aux côtés de Pierre Bourdieu.
Le rapport entre les deux ?
Cette citation de Walt Whitman, “I contain multitudes”, qui m’est restée en tête tant elle sonnait juste.
Elle est au cœur du film (que je ne vais pas vous spoiler) et pourrait parfaitement s’adapter aux réflexions de Podalydès qui, à 25 ans, hésitait encore entre le théâtre, la recherche et la vie de petit-bourgeois versaillais.
Mais justement, nous sommes des “multitudes”, et ces nombreux mondes qui gravitent en nous n’ont pas besoin d’être éteints. Ils doivent plutôt être célébrés.
🌎 C’est mon thème du jour.
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Quand des mondes cohabitent
Quand il rencontre Pierre Bourdieu, Denis Podalydès est encore loin d’être l’acteur et le sociétaire de la Comédie-Française d’aujourd’hui : c’est surtout un khâgneux paumé. La rencontre avec le grand sociologue a un néanmoins un rôle majeur dans son existence, car la notion d’Habitus lui reste en tête et lui fait l’effet d’une psychanalyse.
Ses habitus sont triples : celui du bourgeois de Versailles cultivé par sa mère, celui du petit-fils de pied noir un peu prolo par son père, et le monde théâtral un peu bohème dans lequel il n’ose foncer tête baissée après une prépa interminable à Henri IV.
Denis Podalydès est comme le poème de Whitman : il contient des multitudes.
Pendant longtemps, il cherche à choisir : doit-il devenir enseignant, faire la fierté de ses parents et acquérir une situation stable ? Doit-il devenir comédien, malgré les fours récents et le peu de travail de ses débuts ?
Que faire de nos multitudes ?
Le (long) poème de Whitman dit ceci :
Do I contradict myself?
Very well then I contradict myself,
(I am large, I contain multitudes.)
Et je trouve cela de toute beauté. Parce que cela dit bien que nous ne sommes pas réductibles à une chose, à une activité, à une façon de faire, à une somme de posts sur les réseaux sociaux. Nous renfermons en nous-mêmes une infinité d’univers, d’histoires et de possibles. De multitudes, donc.
Podalydès, dans son livre, explique comment il finit par comprendre qu’il n’est pas obligé de choisir, mais qu’il peut vivre avec ses tensions. Qu’il peut, comme le dit si justement Whitman, se contredire et contenir malgré tout une infinité de mondes.
Et c’est toute la difficulté quand on est entrepreneur et que l’on travaille sur son positionnement : comment faire coexister toutes ces multitudes ? Comment leur donner du sens quand parfois, honnêtement, il n’y en a pas de prime abord ?
Moi la première, c’est un sujet. Je suis issue d’une famille de la classe moyenne pour qui la stabilité rimait avec sécurité. J’ai été formée à la rigueur des humanités classiques, je n’ai jamais vraiment quitté les bancs de l’université, et pourtant, j’ai aussi créé une entreprise sur Internet, développé une activité d’accompagnement, enseigné le management stratégique tout en écrivant de la fiction.
Entre Racine et Peter Drucker, entre la sociologie de la légitimité et les pages de vente en ligne, il y a un monde. Parfois même, un précipice.
Alors comment faire vivre l’un sans trahir l’autre ?
Embrasser ces multitudes
Vous ne lirez jamais un manuel d’entrepreneuriat qui vous dit d’embrasser qui vous êtes. Pire, il faudra se nicher à tout prix, sacrifier le plaisir au profit de la clarté. C’est une forme de mutilation intellectuelle souvent douloureuse, qui demande de réduire, d’étouffer des parts de soi qui “ne servent pas”.
En somme, de simplifier une vie intérieure qui ne l’est pas.
Sauf que la cohérence est un récit, et pas une donnée.
Il n’y a pas UNE vérité, un cap unique, un fil rouge cousu simplement par un prompt ou une logique marchande. Quelle tristesse, cela serait, d’éteindre un feu intérieur sur l’autel de la rentabilité ou de la sécurité.
Je le sais, je l’ai fait pour vous. Et moi aussi, je me suis fait coacher pour me sortir de ces logiques et arrêter de m’auto-saboter.
On voudrait voir l’identité comme un bloc lisible, en oubliant que c’est une sédimentation, un empilement de mondes. Une multitude, donc.
Et ces multitudes n’ont pas nécessairement besoin d’être organisées. Parfois oui, et je le fais avec mes clients pour les aider à gagner en lisibilité et leur permettre de mieux se mouvoir dans ce qui ressemble souvent à un chaos intérieur. L’art de la maïeutique permet cela : faire en sorte que ces multitudes ne se contredisent pas trop violemment et parviennent à cohabiter. Et parfois, elles poussent même l’énergie dans la même direction.
Personnellement, j’ai donc arrêté d’étouffer le sensible au profit de la structure, parce que mes multitudes comprennent les deux. J’aspire à autant de visibilité que de profondeur, autant d’ambitions économiques que poétiques.
Parce que ces multitudes sont justement la richesse de nos regards, de nos voix, elles sont les nuances dont notre époque manque cruellement.
Et c’est peut-être ce dont les solopreneurs ont le plus besoin aujourd’hui : aligner leur voix avec ce qu’elle est capable d’embrasser comme contradictions, sans les aplatir.
Un peu comme Podalydès, un peu comme Whitman, un peu comme vous, un peu comme moi.
À mardi prochain,
Pauline
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