Bonjour,
Nous sommes à l’édition #47 d’Aligné, bienvenue aux 53 petits nouveaux qui nous ont rejoints depuis la fois précédente (on commence à être beaucoup ici, ça me réjouit!)
Je scrollais récemment Instagram en me faisant une réflexion : je ne supporte plus la romantisation de l’échec. Aujourd’hui, si tu n’as pas planté deux boîtes, n’es pas parti trois mois marcher sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle et que tu n’as pas dormi sur un canapé Ikéa d’un pote pour financer ton projet, tu n’es pas un vrai entrepreneur. L’échec devient un élément clé d’une mise en scène de soi, et je trouve cela relativement épouvantable.
Le mythe du ‘reborn guy’ est vieux comme le monde, et c’est un biais que je vous souhaite d’éviter.
🫵🏻 C’est mon thème du jour.

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Le mythe de l’échec
Il y a quelques jours, je suis tombée sur cette publication de l’entrepreneur américain Alex Hormozi. Et ça m’a donné envie d’avaler du produit à vitre.
Le regret de sa jeunesse ? Ne pas avoir pris assez de photos de ses échecs pour les regarder, admirer le chemin parcouru et en faire un storytelling semi-putassier pour ses réseaux sociaux. C’est la romantisation de l’échec dans sa version la plus vulgaire.
Pire, c’est le signe que nous sommes désormais dans un monde où il faut aussi réussir nos échecs. Comme si la vie n’était pas déjà assez difficile. Je ne compte plus les posts LinkedIn lacrymaux, les vidéos confessions en mode “j’ai été sans abri et maintenant je fais du coaching” ou autre “Moi je n’étais rien et voilà qu’aujourd’hui, je suis le gardien…” etc.
Mais LinkedIn n’a rien inventé, c’est l’un des piliers fondateurs du mythe de l’entrepreneuriat à l’américaine. Steve Jobs a été viré de chez Apple avant de revenir avec l’iPhone, Elon Musk a hypothéqué sa maison pour faire vivre Tesla à ses débuts. Même G.W. Bush est un “born again”, après avoir décidé un matin d’écouter Jésus (!) pour arrêter l’alcool et devenir président des États-Unis.
Pourquoi ça marche ? Parce qu’intrinsèquement, l’être humain aime les histoires. C’est le principe du “monomythe” développé par Joseph Campbell. Un bon récit est toujours construit autour de ce qu’on nomme “le voyage du héros.” Avec des désirs, des mentors, et un passage obligé : l’échec, la transformation et la renaissance.
Les entrepreneurs utilisent ce “voyage” (l’échec puis la transformation) pour faire vivre un personal branding souvent branlant. En soi, pourquoi pas. Sauf que dans bien des cas, la vulnérabilité n’est plus un sentiment tendre car authentique, c’est devenu un ressort marketing. Et c’est le problème d’une culture qui confond le vide et la profondeur.
Tout le monde échoue
Mettons les choses au clair : TOUT LE MONDE ÉCHOUE. C’est la nature même de l’existence, cela s’appelle progresser. Quand vous avez fait vos premiers pas, vous vous êtes cassé la figure par terre. Comme tout le monde, vous avez échoué avant de réussir à aligner deux pas devant vous. C’est pareil partout.
J’ai pris des 5/20 en dissertation de français en prépa, j’ai cassé les oreilles à mes voisins avec des notes fausses au violoncelle pendant des mois (des années ? 😇), mes papiers académiques ont subi plus de desk reject que je n’oserais l’avouer, j’ai eu des relations amoureuses merdiques, des amis pourris, des moments gênants. Je suis tombée (littéralement ou pas), j’ai fait des erreurs, écrit des bêtises, fait des fautes, oublié des choses ou des gens, échoué à des concours, me suis fait virer en un coup de fil, me suis fait humilier par des chefs, eu des manuscrits refusés par des maisons d’édition, je suis arrivée en retard, en avance, me suis trompée d’heure, de lieu, de siège dans un avion (11H c’était la rangée, pas l’heure…) bref : j’ai vécu.
Tout ça n’a absolument rien d’original. Certes, cela contribue à faire de moi qui je suis aujourd’hui, tout comme vos propres échecs, mais tout ne mérite pas toujours qu’on s’y arrête.
C’est mon parcours de vie, pas une vérité générale que le destin m’oblige à venir vous conter pour me faire mousser.
Vous avez planté votre boîte en 2024 ? Comme près de 66 000 personnes cette même année. L’échec entrepreneurial ne fait pas de vous un petit flocon de neige unique.
Cela nivelle par contre la qualité du discours entrepreneurial. OUI, il est bon, parfois, de raconter des galères pour souhaiter aux autres de ne pas les faire. Mais ce n’est pas parce que je vous dis de mettre un pied devant l’autre que vous n’allez pas un jour trébucher et tomber.
Il ne faut pas confondre donner des conseils et raconter benoîtement sa vie pour faire parler de soi. Parce que bien souvent, il s’agit moins d’apprendre de ses erreurs (cela se fait mieux dans l’intimité du cabinet d’un psy) que de les monétiser. Derrière l’échec romantisé, je vois souvent une rhétorique commerciale.
Faire de l’échec un exercice de lucidité
Parler de ses échecs ne devrait jamais être un prétexte à se victimiser ou à se rendre intéressant. Au contraire, cela devrait être un exercice de lucidité. Ce n’est pas l’histoire qui compte, c’est l’étape d’après — celle qui se construit en silence, loin des phrases toutes faites.
Ce n’est pas la souffrance mais le sens, pas la loose mais l’analyse qu’elle appelle, qui est intéressant.
Car les causes d’un échec sont multiples : circonstancielles (mauvais timing, crises exogènes etc), structurelles (erreur de business model, incohérences, mauvaises gestion) ou personnelles (manque de compétences, aveuglement, fuite du réel etc.)
Si tu n’arrives pas à nommer cet échec, à le disséquer sur une table d’autopsie, à le replacer dans une dynamique d’apprentissage… Là, tu ne partages pas un échec, tu partages un spectacle.
Comment dépasser le storytelling de l’échec ?
Comme à chaque fois, voici deux petits exercices pour vous.
Le journal des angles morts
L’objectif est de mettre le doigt sur ce que vous n’avez pas vu. Prenez un échec que vous avez l’habitude de raconter en public. Puis écrivez sur un papier : qu’est-ce que vous n’avez jamais dit de cette histoire ? Qu’est-ce que vous ne vouliez pas voir à l’époque ? Qu’est-ce que quelqu’un d’extérieur aurait vu ? Qu’est-ce que cela dit de vous, plus que de la situation ou des autres ?
Désactivez le mode “narratif flatteur”, revenez à l’essence du problème.
L'autopsie d'un échec
Notez au milieu d’une feuille un autre échec, en une phrase (ex : j’ai planté ma boîte).
Ensuite, faites partir trois branches :
Facteurs externes : contexte, marché, partenaires, timing etc. A adapter selon le contexte de votre échec (relationnel, contexte de la rencontre etc.)
Facteurs internes : compétences, décisions, gestion, mindset etc.
Croyances de départ : ce que vous pensez vrai / juste / approprié au début, et qui n’est plus le cas.
C’est un début d’autopsie. Cela devrait permettre de sortir du flou émotionnel, donc du marketing de soi qui tourne en rond.
Et la prochaine fois qu’il vous viendra l’envie de faire un post ou une story sous la forme : “j’ai échoué à X et voici les Y leçons que j’en tire”, j’espère que vous penserez à cette newsletter, en veillant à ce que votre fond soit sincère, réfléchi et un peu douloureux. Vous saurez, alors, que vous êtes le bon chemin.
Je préfère les entrepreneurs qui ne prennent pas de photos, mais qui passent du temps à comprendre.
Et qui assument, font le tri et améliorent la suite comme on polit une idée.
Pas pour se vendre, mais se découvrir eux-mêmes et pour transmettre.
À mardi prochain !
Pauline
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Encore merci pour cette NL de qualité 🔥
Cet article m'a rappelé ce que tu disais au sujet des listes de conseils made in LinkedIn qui sont basées sur la fin d'un parcours de réflexion et non pas sur un cheminement. Le partage d'un échec comme des conseils pour les éviter arrivent comme un coup d'œil dans le rétro une fois que l'auteur a "réussi". Tant que cette "réussite" n'est pas atteinte, il semble plus difficile de s'accorder la légitimité de s'exprimer.
En tant que lectrice, ces récits de storytelling de la loose m'ont d'abord inspiré mais à la longue, ont produit l'effet inverse et renforcent plutôt mes croyances limitantes.
Merci pour les exercices, à tester !