Bonjour,
Nous sommes à l’édition #52 d’Aligné, bienvenue aux 11 petits nouveaux qui nous ont rejoints depuis la fois précédente.
Ces derniers jours, j’ai regardé The Apple Cidar Vinegar, l’histoire d’une influenceuse “santé / nutrition” qui s’invente un cancer pour mieux vendre une appli dédiée au bien-être. Et je me suis surprise à comparer mon mode de vie et le sien : malgré l’arnaque éhontée, est-ce que je mange assez bien ? Assez sain ?
Puis j’ai fait la liste de toutes les recommandations “pour mon bien” que des coachs, consultants ou collègues ont pu me faire ces derniers mois. Mis bout à bout, ces conseils prennent tellement de place que je n’ai plus le temps de travailler.
Pourquoi ? Parce qu’il y a désormais une “culture du bien-être” qui relève du devoir, de l’injonction, plutôt que de la recommandation. Et c’est un poison plus lent et plus insidieux.
⚠️ C’est mon thème du jour.

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L’injonction du bien-faire
Je ne compte plus les gens qui se moquent des morning routines des influenceurs bien-être (du genre, se lever à 4h30 du mat’ et faire des bains de glaçons) et qui, pour autant, s’appliquent à faire “ce qu’il faut” :
Marcher 10 000 pas
Boire du jus vert / détox
S’étirer le dos
Respirer profondément
Tenir un journal de gratitude
Lire un livre pendant 15 minutes
Faire des bains glacés
Sourire à son reflet
Manger bio, local, de saison
J’enlève pour cette newsletter les injonctions qui relèvent du business ou de la société : être propriétaire, avoir des enfants après 30 ans, faire 10 000 euros de CA par mois, “investir sur soi” etc.
Quand j’ai fait remarquer à ma psy que j’en avais marre de toutes ces injonctions bien-être, elle m’a conseillé de “méditer 5 à 10 minutes par jour”. J’ai répondu que ça faisait un bullet point en plus sur ma liste.
J’en peux plus qu’on me dise ce qu’il serait bon de faire pour moi !
Sommes-nous arrivés dans un monde où même notre bien-être doit être pris en main par un autre ?
Parce qu’il est là le problème : on croit se séparer de vieilles obligations pour des nouvelles. Alors qu’en fait, soit on les ajoute à celles déjà existantes, soit on cède à une pression moins visible, plus douce en surface, mais tout aussi exigeante.
Le bien-être est donc devenu une sorte de to list de la personne équilibrée. Celle qui sait s’écouter, prendre soin d’elle, optimiser son énergie, faire du sport deux fois par semaine mais sans excès, lire plutôt que scroller, marcher dans la lumière du matin et refuser toute violence.
En théorie, c’est beau. En pratique, c’est seulement une autre injonction à rentrer dans le rang d’une vie parfaitement saine, parfaitement apaisée, et parfaitement tendue.
Ça pue la javel d’hôpital.

Le calme devenu performance
Maintenant, je distingue deux choses : les conseils qui relèvent de la santé publique (manger sain, faire du sport pour sortir de la sédentarité) et les conseils qui relèvent d’une mise en scène de soi.
Souvent, il ne s’agit plus d’aller bien, mais d’être aussi perçu comme une personne qui va bien.
La violence commence ici. Quand nos instants de calme deviennent des actes de productivité émotionnelle. Quand notre course à pied est devenue une preuve sociale que l’on est productif.
Comme si se sentir moyen était devenu un problème, une indécence. Alors qu’avoir la tête en bordel est ce qui caractérise 100 % des êtres humains sur cette terre.
Je pense d’ailleurs souvent à cette citation du film “L’Auberge Espagnole” de Cedric Klapish :
“Je ne suis pas un, je suis plusieurs. Je suis un vrai bordel.”
Le problème, c’est donc d’être arrivé au stade où il faut optimiser la paix. On doit réussir nos échecs et rendre nos pauses productives.
Alors peut-on encore parler de bien-être quand chaque geste censé nous apaiser devient un devoir de performance ? Quand le moindre moment d’oisiveté doit justifier sa présence par une fonction régénérante ? Quand on ne marche plus pour flâner, mais pour cocher 10 000 pas ? Quand on ne fait plus du sport pour soi, mais pour l’afficher au regard des autres ?
Arrêter d’optimiser la paix
Quelqu’un qui pratique la méditation m’a un peu engueulée quand je lui ai dit que j’avais arrêté parce que je n’avais pas réussi à faire 10 respirations sans contrôler mon esprit. Sa remarque : “Arrête de vouloir réussir. Tu ne peux pas rater une méditation, tu peux simplement être là.”
C’est vrai : il est aussi des moments où on peut faire des choses “pour rien”. Poser ses fesses sur le sol et respirer, c’est tout.
On peut se faire du bien sans chercher à progresser, sans épreuve, sans challenge, sans tableau de bord intérieur.
Se lâcher la grappe, en somme.
Donc dans cette édition, pas de recommandation, pas d’exercice à faire, rien.
Parce que je crois qu’on a confondu prendre soin de soi avec se surveiller soi-même. Et que derrière les sourires bienveillants de cette “culture du mieux”, il y a souvent une immense fatigue : celle de devoir se prouver, même dans la douceur, qu’on est quelqu’un de bien, de conscient, de performant. Quelqu’un qui mérite sa place et sa paix.
Alors cette semaine, je n’ai pas médité. Je n’ai pas marché 10 000 pas. Je n’ai pas bu de jus aux légumes, ni lu de livre de développement personnel. Juste ce roman incroyable que j’ai adoré.
J’ai même passé du temps à ne rien faire et à m’interroger sur la fumée noire du Vatican.
Pas du temps “pour me reposer”. Pas du temps “pour mieux repartir”.
Juste… du temps.
Et ça, ça m’a vraiment fait du bien.
À mardi prochain,
Pauline

Ta manière de décrire les choses est très juste (et drôle aussi, je trouve !) et c'est exactement dans cette nuance qu'une pratique, un outil, un aliment, un habitude deviens toxique ou au contraire un principe qui nous soutient. C'est sur ce fil d'équilibriste que tout se joue : est-ce que je fais X ou Y pour me rapprocher de mes valeurs, de ce qui compte pour moi ? Ou est-ce que je fais X ou Y pour m'éloigner d'une expérience douloureuse (la gêne, la honte, la culpabilité de ne pas être quelqu'un qui... ; ou encore le sentiment d'obligation que je m'impose en me disant il faut que, je devrais, j'aurais dû). Peu importe le type de comportement, c'est le "pourquoi" qui compte. L'exemple me vient de cette maman profondément malheureuse que j'ai côtoyée qui cochait les cases yoga + jus de légumes + méditation et qui en parallèle tournait à la coke - en cachette évidemment - pour décompresser - entre autres - de toutes les injonctions qu'elle s'imposait.
J’ai une vraie connaissance, fondatrice d’une marque d’alimentation saine, qui faisait constamment attention à sa santé, très scrupuleusement, et n’a presque jamais rien consommé de “mauvais” de toute sa vie. Et elle a eu un cancer, qu’elle a découvert lors d’un de ses méga-super bilans réguliers.
Personnellement, ça m’a convaincue que le plus important dans la vie, c’est d’en profiter — et que si on se prive, il faut que ce soit avec plaisir. Si on fait quelque chose de bon pour soi, que ce soit avec joie. Il faut s’autoriser des choses, pas seulement des choses “utiles” ou “saines”. Vivre chaque jour comme si c’était le dernier ! (Et en plus, j’ai été victime d’une guerre non provoquée — la vie est trop injuste pour qu’on passe son temps à se protéger de tout.)